Cassius Notes #16 - EDITION SPECIALE ELECTIONS #1 - Le programme du RN 😱

On ne fait pas de politique en revanche on analyse les programmes économiques et financiers des principales forces en présence.

Les thèmes abordés cette semaine :

1. 🗞️ Actualité : Le programme économique du RN, l’exemple comparé de l’Angleterre en 2022 et ses conséquences 💸

2. 📈 Investissement et Fiscalité : pas cette semaine ❌

3. 🤔 Stan’s Snacks : On reste dans le même thème mais avec un “même” en plus

1. 🗞️ Actualité : ZE ACTUALITE !

Chez Cassius on ne fait pas de politique ! En revanche on fait de l’économie et de la finance et donc il me paraît nécessaire et responsable de décrire le programme économique des 3 grandes forces (RN, Nouveau Front Populaire et Renaissance) qui ont l’air de se dégager pour potentiellement avoir la majorité lors des élections dans 3 semaines.

On s’intéresse cette semaine au Rassemblement National dont le programme était déjà clair en 2022 même s’il peut changer à la marge d’ici l’élection.

Je me suis fondé sur le chiffrage de l’Institut Montaigne (think tank libéral) qui avait fait un état des lieux de tous les programmes de 2022.

Le programme du RN en chiffres

Pour résumer, le programme de Marine Lepen coûterait 120 milliards contre les 68,3 milliards estimés par la candidate. Ce montant est à mettre en face de 18 milliards d’économies estimées soit donc un déficit prévisible de 100 milliards par an. Ce montant est à ajouter aux déficits structurels existants (système de retraite, assurance maladie etc.) À noter que le déficit du programme de Jean-Luc Mélanchon était estimé à 220 milliards mais ça, c’est pour la semaine prochaine…

En face, le projet présidentiel d’Emmanuel Macron prévoyait en 2022 selon le think tank 57 milliards de dépenses annuelles, relativement proches de celles annoncées par le candidat. Le bouclage budgétaire n’atteignait toutefois pas l’équilibre car les recettes étaient surestimées selon les économistes de l’Institut Montaigne et n’atteindraient que les 12,7 milliards d’euros ce qui provoquerait un déficit de 44 milliards d’euros.

Alors une différence de près de 50 milliards entre 2 budgets est ce beaucoup ? La réponse est oui et on a eu un exemple très concret en Angleterre il y a moins de 2 ans.

Ce qu’un budget similaire a donné en Angleterre en 2022

Petit retour en arrière, nous sommes en 2022 et suite à la démission de Boris Johnson Liz Truss lui succède comme Première ministre après avoir été élue à la tête du parti conservateur.

Elle avait un programme très libéral (ce qui la différencie de Marine Lepen) qu’elle dévoile quelques jours plus tard le 22 septembre 2022 :

• Suppression de la tranche supérieure d’impôts sur les revenus (pour les Britanniques qui gagnent plus de 170 000 euros par an) - 50 milliards d'euros d'impôts en moins

• Baisse des taxes sur les transactions immobilières

• Suppression du plafond sur les bonus des banquiers. Au total, cette politique prévoit 45 milliards de livres de baisses d'impôts non financées, presque exclusivement au bénéfice des ménages les plus aisés

Les réactions des marchés financiers ainsi que du FMI ont fait trembler l’Angleterre. La Livre Sterling a baissé par rapport au dollar à son plus bas depuis 1985.

Change Livre Sterling vs. Dollar

Les taux d’intérêt des emprunts d’Etat ont grimpé de 2% à plus de 4.4% en l’espace de quelques jours. Pour rappel c’était 2022 donc sans grande inflation et forte augmentation des taux. Une telle augmentation des taux aurait poussé le gouvernement anglais à emprunter encore plus pour servir les intérêts de sa dette ce qui aurait coûté environ 50 milliards de £ en plus…

Ces conséquences au niveau des finances publiques auraient vraisemblablement été couplées à une crise du marché immobilier (les emprunts sont à taux variable en Grande-Bretagne), une crise économique (difficulté des sociétés et des particuliers à rembourser leurs emprunts) etc.

Heureusement, 3 semaines seulement après la présentation de son budget mais face à une fronde intense de la plupart des politiques anglais et de la population Liz Truss annonce sa démission de la direction du Parti conservateur.

En France cela se passerait aussi mal ?

Difficile de comparer d’égal à égal car les situations sont différentes :

• Les systèmes politiques étant différents, un Premier Ministre français en cohabitation avec un Président d’un autre bord conserve certes les pouvoirs législatifs avec sa majorité et donc la plupart des décisions économiques mais le Président conserve certaines prérogatives qui peuvent avoir des conséquences économiques également comme la possibilité de redissoudre l’assemblée au bout d’1 an, d’organiser des référendums et de nommer certains postes importants pour l’économie : Conseil d’Etat, Cour des comptes, Banque de France, AMF.

• Les conséquences sur l’Euro seraient sûrement plus atténuées du fait de l’interdépendance des pays de la zone Euro et donc la stabilité politique des autres pays devrait permettre de limiter la chute

En revanche, certains effets pourraient être beaucoup plus dévastateurs financièrement :

• Le projet de Liz Truss, bien que très mal accueilli par les marchés, était clairement libéral et en faveur des plus riches donc on aurait pu s’attendre à une réaction plus atténuée des marchés mais c’est bien les conséquences budgétaires ainsi que le développement d’inégalités induites qui ont déclenché cette crise. Les mesures du Rassemblement National sont pour la plupart à vocations sociales (revenir à la retraite à 60 ans, augmenter le SMIC, créer des prêts à taux 0, baisser la TVA) mais seront vraisemblablement accueillies comme populistes et dévastatrices pour l’état des finances nationales.

• La macroéconomie et la finance sont également totalement dépendantes de la confiance que peuvent prêter les acteurs économiques à un pays et ses dirigeants. Depuis 2018, la France attire plus d’investissement direct étranger que l’Allemagne ou l’Angleterre. Il est fort probable qu’un changement de couleur de gouvernement moins “business friendly” et moins ouvert à l’Europe et à l’international ferait fuir un certain nombre d’entreprises étrangères. La politique d’Emmanuel Macron depuis 7 ans a été très bien accueillie par les marchés quand bien même elle a indiscutablement alourdi la dette Française. Mais l’ensemble des acteurs économiques juge favorable la direction des réformes économiques mises en place. Cela ne serait vraisemblablement pas le cas avec le RN

La conséquence la plus palpable a été déjà été observée avec les taux de la dette publique à 10 ans qui se sont tendus ce mardi : ils ont dépassé 3,30%, contre 3,22% la veille (et moins de 3,12 % avant le week-end).

Au-delà des grandes lignes du programme économique, il y a aussi des réformes avec un impact direct sur l’investissement des Français.

Un Fonds Souverain à la française, une bonne idée ?

L’une des principales mesures dans le programme du RN avec un impact direct sur l’épargne des Français est l’objectif d’octroyer des prêts aux TPE et PME grâce à un "emprunt national" ou Fonds souverain de 500 Md€. Jordan Bardella avait déploré «la sur-épargne des Français, l’une des plus élevées de l’OCDE ». Une surépargne qui pourrait selon lui servir à financer la réindustrialisation, les infrastructures nucléaires, la technologie, et les grands projets tout autant que les PME. D’où son idée d’inciter les Français à placer leur bas de laine dans un fonds souverain qui «garantirait leur capital»

Il existe plusieurs problèmes avec cette idée conceptuellement intéressante :

• Espérer drainer 500 milliards d’euros d’épargne en 5 ans alors que l’épargne réglementée, liquide et sans risque (comme le Livret A) qui augmente de seulement 40 milliards chaque année paraît d’abord irréaliste.

• Si on essaie d’attirer d’avantage d’épargne, il va falloir augmenter le taux de rémunération de cette épargne. Le RN proposerait une rémunération annuelle supérieure de 2 points à l’inflation. Historiquement le taux du livret A a plutôt suivi l’inflation (parfois avec du retard comme en 2022 ou de l’avance comme dans les années 90). Mais promettre 2% de plus que l’inflation, cela coûterait par exemple avec une inflation normalisée à 2%, 4% d’intérêt soit en tout 20 milliards d’euros en plus à dépenser par an…. Cela revient finalement à créer de la dette qui coûterait plus cher que celle des marchés.

• Enfin le RN ne précise pas la durée minimale de placement, ni le coût pour le contribuable en cas d’investissements dans des projets qui font faillite…

Au final, ce projet paraît loin d’être une bonne idée et les contours n’ont pas encore été bien définis.

À la semaine prochaine pour le décryptage du programme du “Nouveau Front Populaire” 👻. En espérant qu’il soit sorti d’ici la…

2. 🤔Stan’s Snacks :

Le système de vote parfait existe-t-il ? (The Conversation, en français)

Pendant ce temps-là les footballeurs trouvent qu’ils travaillent trop😅 (L’Equipe, en français)